Pour s’opposer à l’oligopole d’une poignée d’éditeurs qui vendent les résultats de la recherche scientifique à prix d’or, le mouvement du libre accès s’accélère au début des années 2000. Ce mouvement prônant des idées tout à fait nobles est malheureusement corrompu par une poignée de faux éditeurs ayant mis à jour ses faiblesses (Beall, 2016). En effet, depuis quelques années, on entend de plus en plus parler des « éditeurs prédateurs » qui se basent sur le modèle auteur-payeur de la publication en libre accès (voie dorée) dans le but de faire davantage de profits (Beall, 2012), et ce, sans promouvoir les résultats de la recherche.
Les revues prédatrices ne sont pas les seules desquelles il faut se méfier : de plus en plus de conférences prédatrices font leur apparition. Tout comme les revues prédatrices, ces dernières n’existent que pour le seul principe de faire des profits, et ce, sans regard à la qualité du produit. Elles peuvent même ne jamais avoir lieu (Kovach, 2018, p. 279).
Voici la vision d’un éditeur prédateur selon le bibliothécaire Jeffrey Beall, lequel est bien connu pour ses écrits sur le sujet : « [a main goal of] a "predatory" publisher is to generate profits rather than promote academic scholarship. [Such predatory publishers] add little value to scholarship, pay little attention to digital preservation, and operate using fly-by-night, unsustainable business models. » (Jeffrey Beall cité dans Stratford, 2012).
En d’autres mots, Beall croit que le but premier des éditeurs prédateurs est de générer des profits au lieu de promouvoir la recherche académique. Il mentionne également que ces derniers n’accordent pas une grande valeur aux études, de même qu’à la conservation numérique en plus de faire usage de modèles économiques douteux. (Jeffrey Beall cité dans Stratford, 2012, traduction libre).
Bibliothèques du réseau de l'Université du Québec (2019).
Les éditeurs prédateurs peuvent user de différentes techniques pour appâter les chercheurs et les encourager à publier dans leurs revues ou à participer à des conférences. Voici des éléments pouvant vous mettre la puce à l’oreille.
Les éditeurs prédateurs envoient énormément de courriels (pourriels) pour solliciter des articles (Beall, 2016, p. 3) ou une participation à une conférence. Certains chercheurs se sont même déjà plaints du fait qu’ils recevaient parfois des messages de sollicitation toutes les heures (Beall, 2016, p. 2).
Les revues prédatrices promettent une révision très rapide, parfois en deçà de sept jours. Cela peut sembler intéressant pour ceux qui désirent publier rapidement. Méfiez-vous! Un processus aussi rapide peut indiquer qu’aucune révision ne sera effectuée. (Beall, 2016, p. 3)
Les revues prédatrices acceptent de nombreux articles (Beall, 2015, p. 474) souvent sans regard à la qualité (en refuser revient à perdre des profits selon la base du modèle auteur-payeur).
En ce sens, les fausses conférences sont également prêtes à accepter toutes sortes de propositions de présentations, voire des sujets farfelus (preuve qu’il n’y a pas de vérification), encore une fois dans le but de faire des profits (Darbyshire, 2018).
Les revues prédatrices sont toujours des revues en libre accès, car elles se basent sur la voie dorée (modèle auteur-payeur) de la publication en libre accès pour faire des profits (Beall, 2012, p. 179).
Comme le but des revues prédatrices est de faire des profits et qu’elles y parviennent, notamment grâce aux frais de publications, ces derniers sont, par conséquent, toujours exigés aux auteurs (Bourgault et Dugas, 2018).
Certaines revues prédatrices omettent volontairement de mentionner les frais de publication aux auteurs pour les encourager à publier dans leur revue (Beall, 2012). Ces derniers, malheureusement bernés, ont une mauvaise surprise lorsqu’ils reçoivent une facture pour des frais de publication par la suite.
Pour ce qui est des conférences prédatrices, des frais de participation sont toujours exigés étant donné que c’est grâce à ceux-ci que les organisateurs parviennent à faire des profits (Kovach, 2018, p. 279)
Les revues prédatrices, bien que certaines parviennent à se faufiler, sont généralement absentes des indicateurs de revue de qualité (ex. : bases de données) (Bourgault et Dugas, 2018).
Voici d’autres éléments pouvant être des signes que les revues ou les conférences entrent dans la catégorie des « prédateurs ».
Plusieurs mentent sur la véritable localisation de leur siège social. La plupart sont originaires de l’Inde et du Pakistan, mais mentionnent avoir leur siège social aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada ou en Australie (Beall, 2012, p. 179).
Pour valoriser leurs revues en montrant qu’elles font affaire avec des personnes de renom dans certains domaines, des chercheurs peuvent être présentés comme étant membres du comité éditorial d’une revue prédatrice sans le savoir et sans leur permission (Beall, 2012, p. 179).
Les conférences prédatrices peuvent également mentir sur le fait que des chercheurs de grande renommée font partie de leur comité (Memon et Azim, 2018, p. 1692).
Les sites Web des éditeurs prédateurs peuvent parfois n’être qu’un copier-coller de sites Web d’éditeurs de revues légitimes (Beall, 2012).
Ils peuvent aussi contenir de faux contacts et, selon l’effort mis dans la conception du site, de nombreuses erreurs grammaticales (Beall, 2012).
Un facteur d’impact correspond à un « indicateur bibliométrique relatif à un périodique [revue], correspondant au nombre de fois où les articles qui y sont publiés sont cités, rapporté au nombre total des articles publiés dans ce périodique, au cours d'une période donnée » (Office québécois de la langue française, 2012)
(voir bibliométrie).
Bon nombre de revues prédatrices mentent sur le fait d’avoir un facteur d’impact et peuvent même inventer de faux indicateurs (Beall, 2016, p. 3) dans le but de paraitre plus prestigieuses.
Le fait d’être multidisciplinaires permet aux revues de publier un plus grand nombre d’articles.
Les éditeurs prédateurs peuvent exiger des auteurs de citer d’autres articles parus dans leurs revues pour accepter de les publier (Smaling, 2018). Ils peuvent également tomber du côté du plagiat en copiant, par exemple, une partie ou un article en entier dans leurs revues (Beall, 2012).
Les fausses conférences prétendent souvent être des conférences internationales de longue date (12, 13e conférence) en copiant le nom de conférences prestigieuses et en ne changeant que le numéro de séquence de ces dernières (Asadi, 2018, p. 977).
Dans le but d’augmenter leurs profits, les organisateurs de conférences prédatrices peuvent vous suggérer d’inviter vos collègues à participer à leurs conférences et vous offrir des « avantages » en retour (Asadi, 2018, p. 977).
Dans leur courriel d’invitation, les prédateurs peuvent tenter de persuader les chercheurs de participer à la conférence en présentant des informations attrayantes par rapport à la ville où aura lieu l’événement (Asadi, 2018, p. 978) (s’il a bien lieu).
Les éditeurs prédateurs sont malhonnêtes et manquent de transparence (Beall, 2016, p. 2). Ils chargent des frais pour des services non rendus (Bourgault et Dugas, 2018).
Les revues et les conférences prédatrices ont des impacts négatifs sur la science et sur la réputation des chercheurs. Voici quelques raisons pour lesquelles il importe de ne pas publier dans ces revues :
(Strinzel, Severin, Milzow et Egger, 2019 ; Beall, 2016)
(Bourgault et Dugas, 2018, p. 5; Service des bibliothèques de l’UQAM, s. d.a)
Voici une liste de questions, basée sur l’approche Think. Check. Submit., pour vous aider à évaluer les éditeurs et les revues :
(Think. Check. Submit., 2019)
Posez-vous les questions suivantes, basées sur l’approche Think. Check. Attend., afin de déterminer si les conférences pour lesquelles vous avez des doutes sont bel et bien légitimes :
(Think. Check. Attend., 2019)
Voici quelques outils pour vous aider à identifier si les éditeurs, les revues ou les conférences sont des « prédateurs ».
(Bourgault et Dugas, 2018; Mora-Zavala, 2017)
Voici quelques conseils pour vous aider dans le cas où vous avez soumis ou publié un article auprès d’un éditeur prédateur. Malgré tout, il est possible que l’article soit quand même publié et qu’il ne soit pas possible de se rétracter.
(Service des bibliothèques de l’UQAM, s. d.b)
(Service des bibliothèques de l’UQAM, s. d.b)
En déposant votre thèse ou votre mémoire dans Depositum, le dépôt institutionnel numérique de l’UQAT, vous pourriez être sollicité par des maisons d’édition aux pratiques douteuses : Éditions Universitaires Européennes, Presses Académiques Francophones, Dictus Publishing, Lambert Publishing, etc. Ces dernières sont connues pour recenser les sites universitaires et faire des envois massifs de courriels flatteurs aux auteurs (Dugas, 2018). Ces éditeurs promettent du publier gratuitement des thèses et des mémoires en offrant des redevances de 12 % aux auteurs. Ces redevances sont, par ailleurs, très difficiles à obtenir si l’on s’attarde aux contrats d’édition (De sève Leboeuf, 2017). En effet, les maisons d’édition nommées précédemment ne remettent aucune redevance si elles n’atteignent pas au moins 10 euros par mois (Couturier, 2012). L’Université catholique d’Australie a, par ailleurs, calculé « qu’un diplômé devrait vendre environ 11 livres par mois pour atteindre plus de 50 euros en redevances » (Université catholique d’Australie citée dans Couturier, 2012).
Sachez que le dépôt institutionnel de l’UQAT (Depositum) est accessible en ligne gratuitement et est moissonné par Google, Google Scholar et d’autres plateformes en libre accès (ex. Érudit), ce qui assure une grande diffusion de son contenu. Ainsi, comme les thèses et les mémoires de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue sont facilement accessibles en ligne et que les maisons d’édition aux pratiques douteuses ne font aucun travail de correction ni d’édition (l’auteur s’occupe de réaliser la mise en page de son livre), il n’y a pratiquement aucun avantage à publier auprès de celles-ci (Dugas, 2018).
En prime, la mention, dans votre CV, d’une publication dans l’une de ces maisons d’édition pourrait avoir un impact négatif sur votre carrière étant donné que leurs pratiques ne sont pas reconnues (Dugas, 2018). Cela pourrait également sous-tendre que vous ne comprenez pas l’importance du processus de révision par les pairs, lequel est absent du processus éditorial de ces éditeurs (De sève Leboeuf, 2017). Notez aussi que « la plupart des maisons d’édition « traditionnelles » n’accepteront pas de publier un ouvrage dont ils n’ont pas l’exclusivité » (Cercone cité dans Couturier, 2012). Ainsi, les auteurs ayant publié leur thèse ou leur mémoire sous forme de livre pourraient rencontrer des difficultés à publier les résultats de leurs recherches dans des revues scientifiques par la suite (Université catholique d’Australie citée dans De sève Leboeuf, 2017).
Nous pouvons répondre à vos questions sur le sujet en plus de vous aider à identifier de possibles éditeurs prédateurs. Nous offrons également des formations. N’hésitez pas à faire appel à nos services!
N. B. : Nous pouvons évaluer quelques revues ou éditeurs lorsque vous avez des doutes. Par contre, nous n’effectuons pas de vérifications de CV (toutes les revues dans lesquelles vous avez publié).
Asadi, A. (2018). Invitation to Speak at a conference: The tempting technique adopted by predatory conferences’ organizers. Science and Engineering Ethics, 25(3), 975-979. https://doi.org/10.1007/s11948-018-0038-0
Beall, J. (2012). Predatory publishers are corrupting open access. Nature News, 489(7415), 179. https://doi.org/10.1038/489179a
Beall, J. (2015). Predatory journals and the breakdown of research cultures. Information development, 31(5), 473-476. https://doi.org/10.1177/0266666915601421
Beall, J. (2016). Essential information about predatory publishers and journals. International Higher Education, (86), 2-3. https://doi.org/10.6017/ihe.2016.86.9358
Bourgault, J.-D., Dugas, M.-E. (2018). Se protéger pour mieux publier : comment se prémunir des prédateurs [PDF].
Couturier, C. (2012). Publier sa thèse en ligne : occasion en or ou boîte de Pandore? Affaires universitaires. https://www.affairesuniversitaires.ca/conseils-carriere/conseils-carriere-article/publier-sa-these-en-ligne/
Darbyshire, P. (2018). Fake news. Fake journals. Fake conferences. What we can do. Journal of Clinical Nursing, 27(9-10), 1727-1729. https://doi.org/10.1111/jocn.14214
De Sève Leboeuf, M.-R. (2017, 17 octobre). Les éditeurs de thèses et mémoires : pièges à éviter [Billet de blogue]. https://substance.etsmtl.ca/editeurs-theses-memoires-pieges-eviter
Dugas, M.-È. (2018). Dictus Publishing, Presses Académiques Francophones et Éditions Universitaires Européennes : mise en garde. http://sdis.inrs.ca/EUE
Kovach, C. R. (2018). Buyer Beware: Avoiding the minefield of predatory conferences. Research in gerontological nursing, 11(6), 279-280. https://doi.org/10.3928/19404921-20181009-01
Memon, A. R. et Azim, M. E. (2018). Predatory conferences: Addressing researchers from developing countries. JPMA. The Journal of the Pakistan Medical Association, 68(11), 1691-1695. https://www.jpma.org.pk/PdfDownload/8938.pdf
Mora-Zavala, D. (2017). Les pièges de l’édition académique : comment éviter les éditeurs prédateurs [PDF]. https://www.bibl.ulaval.ca/fichiers_site/portails/sciences_consommation/editeurs-predateurs.pdf
Office québécois de la langue française. (2012). Indice de citations. http://www.granddictionnaire.com/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=26544599
Smaling, E. (2018). These EUR professors had their articles published in "predatory journals". Erasmus Magazine. https://www.erasmusmagazine.nl/en/2018/08/13/deze-hoogleraren-vonden-hun-publicaties-terug-in-een-rooftijdschrift
Stratford, M. (2012). "Predatory" online journals lure scholars who are eager to publish. Chronicle of Higher Education, 58(27), A1-A8. https://search.ebscohost.com/login.aspx?direct=true&db=aph&AN=73956762&lang=fr&site=ehost-live
Strinzel, M., Severin, A., Milzow, K. et Egger, M. (2019). "Blacklists" and "whitelists" to tackle predatory publishing: A cross-sectional comparison and thematic analysis. PeerJ Preprints. https://doi.org/10.7287/peerj.preprints.27532v1
Think. Check. Submit. (2019). https://thinkchecksubmit.org/
Think. Check. Attend. (2019). https://thinkcheckattend.org/
Service des bibliothèques de l’UQAM. (s. d.a). Éditeurs prédateurs – Qui sont-ils? http://guides.bibliotheques.uqam.ca/themes/187-editeurs-predateurs
Service des bibliothèques de l’UQAM. (s. d.a). Éditeurs prédateurs – Leur échapper http://guides.bibliotheques.uqam.ca/themes/187-editeurs-predateurs?tab=1166
Anderson, K. (2012, 6 mars). « Predatory » open access publishers – The natural extreme of an author-pays model [Billet de blogue]. https://scholarlykitchen.sspnet.org/2012/03/06/predatory-open-access-publishers-the-natural-extreme-of-an-author-pays-model
Association des bibliothèques de recherche du Canada. (s. d.). Comment évaluer une revue [Affiche]. https://i0.wp.com/www.carl-abrc.ca/wp-content/uploads/2017/04/ABRC_Comment_evaluer_revue_2017.png
Bourgault, J.-D. (2013). Comment se prémunir contre les éditeurs prédateurs. http://sdis.inrs.ca/editeurs-predateurs
Butler, D. (2013). Investigating journals: The dark side of publishing. Nature News, 495(7442), 179. https://doi.org/10.1038/489179a
Cabells – The Source. (s. d.). https://blog.cabells.com/
Gillis, A. (2018). Des universitaires sont la proie de conférences de qualité douteuse. Affaires universitaires. https://www.affairesuniversitaires.ca/actualites/actualites-article/des-universitaires-sont-la-proie-de-conferences-de-qualite-douteuse/
Groupe de travail sur les éditeurs prédateurs du réseau de l’Université du Québec. (2022, 15 février). Pire que le Spam? Les éditeurs prédateurs, ce qu’ils peuvent faire à votre réputation de chercheur, comment éviter leurs pièges [Billet de blogue]. https://tribuneci.wordpress.com/2022/02/15/pire-que-le-spam-les-editeurs-predateurs-ce-quils-peuvent-faire-a-votre-reputation-de-chercheur-comment-eviter-leurs-pieges/
Kolata, G. (2019). The Price for ‘Predatory’ Publishing? $50 Million. The New York Times. https://www.nytimes.com/2019/04/03/science/predatory-journals-ftc-omics.html
Martel, M.-È. (2019). Gare aux «éditeurs prédateurs» : grandes promesses, grandes déceptions. la Voix de l'Est. https://www.lavoixdelest.ca/actualites/gare-aux-editeurs-predateurs-grandes-promesses-grandes-deceptions-cba366a0723e2c532c051251dcd729d8
Mocafico, R. (2019). Éditeurs prédateurs. Quartier L!bre. http://quartierlibre.ca/editeurs-predateurs/
Promotion du développement des compétences informationnelles du réseau de l’Université du Québec. (s. d.). Éditeurs prédateurs. http://ptc.uquebec.ca/pdci/editeurs-predateurs
Rancourt, J. et Rondeau, J.-J. (2019). Les éditeurs « prédateurs » mieux les connaître afin de les éviter [Présentation PowerPoint]. http://guides.bibliotheques.uqam.ca/docs/Editeurs_predateurs/Editeurs-predateurs_Mieux-les-connaitre-afin-de-les-eviter_VFinale.pdf
Rossiter, R. C. et Stone, T. E. (2016). “Buyer Beware!” predatory conferences: Avoiding an expensive mistake. Nursing & Health Sciences, 18(4), 414-415. https://doi.org/10.1111/nhs.12318
University of Toronto librairies. (2018). Liste de vérification pour reconnaître les revues trompeuses [PDF]. https://onesearch.library.utoronto.ca/sites/default/files/default_images/liste_de_verification_pour_reconnaitre_les_revues_trompeuses.pdf
Aide à l'usager
Communiquez avec nous pour de l'aide en ligne aide.bibliotheque@uqat.ca
Accès rapide
La bibliothèque
2024 © Bibliothèque Cégep A-T et UQAT